Un artiste dans les tranchées

 

Demeurisse fut affecté au 125ème régiment, puis caporal mitrailleur au 355ème, il reçu la Croix de Guerre en novembre 1916

Lettres à son père écrites dans les tranchées :


1914

10 septembre 1914
Bah ! Puisque le devoir est là bas, allons-y gaiement comme dans la chanson. Vois- tu, mon Papa, je suis content de partir, de me sentir utile à quelque chose, j’ai grandi subitement de trois pouces, je ne suis plus un enfant, je deviens un homme, je ne fais plus partie des bouches inutiles, des vieillards, femmes, enfants qui encombrent et qui gémissent.
Va, je ne pars pas à contre cœur, c’est si beau pourquoi on se bat, l’on se bat pour tout ce qui est grand, pour la liberté, pour l’humanité, car c’est notre libre arbitre que nous défendons, nous nous battons pour ne pas être opprimés pour avoir le droit de sentir et d’exprimer nos goûts, nos affinités en tout en littérature et en art.
Ne te frappes pas, père chéri, c’est tout bénéfice, je gagne un an et même plus puisque les mois de campagne comptent double.
Je crois que nous pouvons être fiers, nous sommes trois, et trois partis.


1915

Au fond, ce n’est pas désagréable cette vie d’hôpital, il y a même quelque chose de très réchauffant qui se dégage de toutes ces misères et de cette pitié.
La croix rouge et les femmes auront remonté d’un cran dans mon estime qui était bien proche du mépris
Enfin la vanité est doucement chatouillée lorsque l’on vous dit héros. L’on finit par y croire un peu. Mais ces héros coliqueux, à l’estomac délabré sont assez piteux, enfin cela ne va pas mal, je me soigne, je prends de l’acide chlorhydrique après mes repas.
Il me faudrait de bons mois d’un régime sévère. Cette vielle entero est je crois revenue et tient l’estomac et les intestins Il n’y a guère qu’à patienter.
La guerre prend fière allure. Puisse t-elle se bâcler. On verra après à se soigner les tripes.


1916

25 juin 1916
Mon Papa adoré
En ligne depuis hier soir, un coin bien calme où le régiment oublie les fureurs  de Verdun et il faut en profiter.
Mais il fait horriblement chaud.
Le mot d’ordre est de ne pas se faire de bile. Fais de même.
Je ne suis pas à plaindre, dis-le toi et que je t’aime aussi

René

10 novembre 1916
Identique marche des choses. Il ne faut point se plaindre, laisser filer le courant, on baisse la tête, les obus passent et puis c’est tout. Certes s’il fallait le dire, il y a bien peu de minutes heureuses pour compenser les moments noirs. Mais la sagesse exige un fatalisme absolu. Résignons-nous.
Et bien content que tu aies pu voir notre Henri

Je t’embrasse et je t’aime

 

1918

1 avril 1918
Nous y sommes en plein
Je suis un peu lassé mais tout va bien quand même
Je t’embrasse tendrement
Espérons !

8 avril 1918
Revenu de l’enfer
Je suis vivant
Je suis fort
Qu’importe le reste
Je t’aime de tout mon cœur, mon Papa - Embrasse Henri


11 avril 1918
Mon Papa chéri
J’espère que l’on va tout de même sortir de l’impasse d’ici peu.
Le coup est terriblement dur et il faut de la volonté pour surmonter l’effroi et la panique.
On s’en tirera tout de même et je pense que le jour viendra peut être où l’on pourra aimer et travailler à l’aise.
Je t’aime de tout mon cœur, je t’embrasse
RD

Croquis dans les tranchées:

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