Discours de Anne Demeurisse, lors du vernissage de l'exposition à Laon



Si l'on se penche sur l'œuvre du peintre René Demeurisse, la Grande Guerre a été le fil conducteur de toute sa vie. Demeurisse, un artiste, un érudit, mais aussi un soldat qui par son courage a reçu la Croix de Guerre pour faits d'armes.

Le fil rouge pour Demeurisse c'est l'achat à Soucy d'une maison en 1923, au cour de cette forêt dont il peindra la mutilation et les stigmates et puis son renouveau et aussi la beauté des champs, l'odeur des meules et la grande hêtraie.

Et puis le fil rouge devient noir.

Peu après avoir été nommé à la section du Camouflage en 1943, alors qu'il était parti à la recherche de son fils Alain, FFI, il retrouve son corps dissimulé par des feuillages.

Son fils unique venait d'être fusillé par les SS en forêt de Compiègne.

La guerre le poursuit toujours. Nommé au Comité d'Épuration pour les artistes, il doit juger des hommes dont le talent artistique prévalait malheureusement sur le sens moral et l'idéologie politique.

Demeurisse, héritier d'une famille polonaise, Les Comtes Peplowsky, appartenait en 1925 au monde parisien artistique et littéraire. Peintre de tradition française, de la Réalité Poétique, ami de poètes de sa génération dont il a illustré de nombreux ouvrages, il fut Président de la section gravure au Salon d'Automne et reçut la rosace d'officier de la Légion d'honneur de la main du chanoine Kir.

Ami en autres du sculpteur François Pompon dont il contribua à la grande notoriété en particulier en faisant exposer l'Ours monumental au Salon d'Automne en 1922. D'ailleurs Pompon reconnaissant en fera son exécuteur testamentaire.

Demeurisse, peintre, soldat, bel esprit, découvreur de talents incarne pleinement une époque où la France conduisait l'évolution artistique aux yeux du monde.

Aujourd'hui je félicite la Ville de Laon pour s'être associée aux commémorations de cette période extraordinairement épique et douloureuse que fût la Grande Guerre et en particulier cet hommage qui me va droit au cœur, cet hommage rendu à René Demeurisse, mon grand-père.

Pendant ces années héroïques et parfois vécues comme perdues, il a écrit à son père presque quotidiennement, il a croqué les soldats sur le vif dans les tranchées. Tous ces documents ont été sauvegardés par notre famille.

Il y a quelques années j'ai choisi de faire des donations, à la Société Historique de Soissons, au Musée Camille-Claudel de Nogent-sur-Seine, au Musée de l'Armée et à l'Historial de Péronne.

Je remercie la Ville de Laon de rendre ainsi un hommage au peintre mais c'est aussi un hommage à tous ces soldats morts pour la France. Je remercie le musée Camille-Claudel de Nogent-sur-Seine d'avoir prêté ces dessins.

C'est ma fille Nathalie qui s'est acharnée pour réaliser cette manifestation. C'est elle, aussi, qui a travaillé pour faire paraître prochainement un ouvrage qui reprend les lettres et les dessins de son arrière-grand-père, aux Éditions Imago, cet ouvrage est préfacé par le grand historien Jean-Jacques Becker.

 

 

Anne DEMEURISSE. 2014

 

"Pigeot", Janvier 1917

 

"Août 1917 Vergnaud", Août 1917